Bienheureux es-tu, toi qui t’avances dans la marge.
Les enluminures culturelles des grandes surfaces superficielles ne séduiront plus tes sens aiguisés à des nourritures plus subtiles.
Ta vision dépasse celle de la télévision tout public.
Tes aspirations n’ont plus d’objets extérieurs qui sachent les satisfaire.
Tu es devenu étrange pour le monde et étranger à lui.
Ton territoire n’est plus à la portée des avidités ; tu l’explores dans ta souveraineté retrouvée.
Le sol que tu foules n’est plus que terrain d’expérience pour développer des qualités qui te permettront d’y vivre comme un fou.
Tu es le fou du roi qui peut se permettre de lui dire la folie qui est la sienne.
Tu es son miroir et, lui, le tien. Ton royaume est de l’autre côté du tain.
Bienheureux, toi, de forcer les portes de la bergerie des endormis pour respirer l’air de la nuit.
Bienheureux, toi, de nourrir tes rêves et tes envies, tes idéaux, tes utopies, car tôt ou tard, comme Goethe le dit, ils prendront vie.
Bienheureux, toi, de te dépouiller de la peur de ne plus être une lettre ou une virgule d’un scrabble de clones lettrés.
Bienheureux, toi, de prendre congé de Cap Carnaval, de te dévêtir de tes camisoles et de contempler, à l’intérieur, ta nue beauté.
Bienheureux, toi, de ne plus te conformer aux modes d’être-faire-avoir mais de découvrir, à force de retourner pierres et croyances, que Maya est la trame de l’ignorance.
Bienheureux, toi, de parvenir à concevoir ton utopie, appelée par la foi de ton cœur profond, fondateur d’un champ neuf et fécond.
Bienheureux, enfin, d’être habité d’un verbe, d’un mouvement, qui te porte à consoner avec un champ, hors de portée des maux et des mots contraignants.
Bienheureux, oui, bienheureux, mon frère, ma sœur, de tenir l’œil ouvert pour que d’autres cœurs puissent encore éclore au réel occulté par les décors.
Oui, marchons dans le gai savoir de la marge, dans le vent fort, sur la tranche du grand large !
