Cet article est l’introduction d’un livre d’André de Boer et de Tanja Rozema intitulé « Spiritual Christmas: Guiding hand for inner reflection and inspiration in the Christmas season » (2017).
Il est disponible en anglais et en néerlandais auprès des éditions Rozekruis Pers (Pays-Bas).
Il est disponible en anglais et en néerlandais auprès des éditions Rozekruis Pers (Pays-Bas).
À l’équinoxe d’automne, la lumière et l’obscurité sont précisément en équilibre l’un avec l’autre. Subséquemment, l’influence de l’obscurité commence à croître de plus en plus, tandis que le pouvoir de la lumière, lui, s’estompe.
La période de Noël est ainsi plongée dans une obscurité profonde et nous pouvons juste attendre en confiance que la lumière renaisse. C’est ainsi que les gens d’autrefois ont vécu l’alternance et la lutte entre la Lumière et les Ténèbres dans leur propre vie. Avant que les villages et les villes soient baignés de lumière électrique, l’augmentation de l’obscurité était presque tangible pour les habitants qui ne pouvaient rien y faire sinon attendre avec impatience la nouvelle lumière.
Ils entendaient des histoires au sujet d’une naissance miraculeuse, qui avait pris place dans l’obscurité lors d’un lointain passé : le fils de Dieu était né dans une place cachée afin de libérer l’humanité de l’obscurité. La lumière qui devait bientôt devenir plus forte à nouveau était un signe de cette naissance. Ce n’était pas seulement une lumière extérieure, car elle pouvait aussi être expérimentée comme une lumière intérieure qui perçait l’obscurité de la vie de tous les jours.
Noël a toujours été interprété sur une vue spirituelle dans les mouvements chrétiens mystiques. Il n’est pas si important de savoir si le fils de Dieu est venu sur terre ou pas. Ce qui importe c’est que sa naissance prenne place en nous.
Ce n’est qu’avec la montée du mouvement rosicrucien au XVIIème siècle et l’influence croissante des écrits de Jacob Boehme que le sens intérieur de Noël a été de plus en plus discuté à l’extérieur des murs du monastère : Noël n’est pas tant la commémoration d’un événement historique, mais plutôt le miracle qui peut arriver à chacun de nous. C’est la naissance de ce fils en nous. La tradition théosophique chrétienne de Jacob Boehme se rapporte au fait que nous vivons dans l’obscurité aussi longtemps qu’il n’y a pas eu une transformation intérieure ou renaissance. Ce qu’à nos yeux ordinaires est lumière, est profonde obscurité à notre être intérieur.
Cette tradition souligne que nous devrions faire une distinction radicale entre l’homme extérieur et l’homme intérieur. Nous sommes l’être extérieur, tel qu’il fonctionne dans nos vies quotidiennes. Notre attention est constamment attirée par nos expériences sensorielles. Mais par dessus tout, nous sommes gouvernés par le flux incessant de nos pensées, sentiments, fantaisies et désirs. Même si nous croyons que cette source de flux continuel provient de nous-mêmes, nous sommes incapables de l’arrêter. Par conséquent, nous sommes déterminés par ce flot, plutôt que l’inverse. Puisque ce conditionnement est comparable à l’état de rêve, plusieurs traditions soulignent que nous ne sommes pas éveillés dans nos vies quotidiennes, mais plutôt encore endormis. La seule différence entre le sommeil diurne et le sommeil nocturne normal est que pendant le premier, nous répondons à toutes sortes de stimuli sensoriels. Et de même que pendant le sommeil nous croyons être éveillés, de même dans notre soi-disant état de veille, nous sommes encore dans une sorte de sommeil.
Mais alors qui ou qu’est-ce que l’homme intérieur ?
C’est l’âme qui peut naître en nous. Tout comme Jésus est né de Marie, ainsi l’âme naît de nous, personne extérieure. Pour cette raison, Angelus Silesius, un élève de la tradition théosophique chrétienne et rosicrucienne a écrit :
que fait de bien l’« Ave Maria » de Gabriel si ce n’est qu’il m’indique aussi le même salut ?
Nous pouvons – comme Marie – apprendre à ne plus nous identifier à l’incessant flux des pensées, sentiments et désirs. Mais cela implique que nous, personnes extérieures, avons besoin de nous réveiller et de vouloir écouter les mots que Gabriel et d’autres messagers nous disent.
Vivant dans nos ténèbres, mais réveillés par ces messagers, nous apprenons à dire en complet abandon de nous-mêmes : « laisse-moi me mettre en accord avec ton monde ». Par conséquent, Angelus Silesius a dit :
Sois silencieux, silencieux, le plus cher don,Sois seulement complètement silencieux.Alors, bien au-delà de ce souhait le plus lointain, dieu te montrera le bien.
Afin de recevoir ce message, devenons silencieux à nous-mêmes afin de devenir concentrés. Cela signifie que nous ne répondons plus automatiquement à tout ce qu’on nous dit, mais que nous allons réellement écouter et – comme Marie – garder le mot dans notre cœur comme une graine qui plus tard sera capable de faire vivre la plante. Cette attitude attentive dans la vie est une condition nécessaire pour que l’homme intérieur, le fils de Dieu, puisse naître en nous. Une telle attitude de vie signifie que nous apprenons à écouter et observer d’une manière sensible.
Généralement, cependant, nous nous sommes déjà fait notre idée avant même que l’autre personne ait fini de parler et nous n’écoutons pas vraiment ce qu’elle nous dit. Seulement rarement, nous nous laissons nous-mêmes surprendre par ce qui se présente à nous dans le monde. Car nous avons vu tout cela tant de fois ; maintenant nous savons à quoi ressemble le monde. Un mode de perception réceptif, cependant, permet soudain aux choses quotidiennes de se présenter à nous de manière nouvelle et rafraîchissante. C’est le début du retour de la lumière ! Lorsque nous attendons, calme et réceptif, que la lumière puisse pénétrer dans l’obscurité de notre conscience éveillée, alors le moment du Noël intérieur est arrivé. L’être humain extérieur vit principalement de la tête ; d’où le flux incessant des pensées qui nous entraîne constamment. De l’autre côté, dans la tradition de la Rose-Croix, le cœur prend la place centrale, souvent symbolisée par la rose. Le cœur sera ouvert. Le cœur s’ouvrira dans la mesure où nous apprendrons à quitter nos vies avec attention.
Comme le dit Angelus Silesius :
Ce cœur reçoit la rosée de Dieu et tout ce qui l’accompagne lorsqu’il s’élargit vers lui comme le fait une rose qui s’ouvre.
La rosée est un symbole alchimique. Lorsque la rosée descend du ciel sur l’homme extérieur qui est mort, alors la résurrection prend place : l’âme – le fils de Dieu – sort de l’enveloppe terrestre de l’homme extérieur. En effet ce processus signifie que l’homme extérieur doit mourir. Si nous ne parlons plus et n’agissons plus de notre propre volonté et désir, mais au lieu de cela, devenons attentifs et réceptifs à l’âme, alors l’homme extérieur commence réellement à mourir. Sans ce processus de mort, sans l’obscurité qui précède la naissance de la lumière, la naissance de l’homme ne peut pas prendre place :
S’il doit vivre en vous, Dieu doit d’abord mourir lui-même. Comment sans la mort, hériteriez-vous de sa propre vie ?
Sans cette naissance, notre vie, en tant qu’être humain extérieur, est stérile. L’homme extérieur est poussière et retournera à la poussière. Cette « poussière » ne se réfère pas seulement au corps physique, mais à notre personnalité entière, à tout ce à quoi nous nous identifions habituellement. Nous devrions apprendre à laisser aller tout cela car
le Christ pourrait naître mille fois à Bethléem, mais s’il n’est pas né en nous-même, notre âme sera désespérée.
Cela résonne en nous, c’est sérieux. Mais le retour annuel de la lumière que nous célébrons à Noël nous rappelle toujours à nouveau que la lumière peut naître en nous. Le retour annuel – et quotidien – de la lumière extérieure, nourrit notre espoir et notre confiance dans le miracle que la naissance peut également prendre place en nous.