(Retour à la troisième partie)
À propos de la croix et de la crucifixion
Une fois de plus, la citation nous permet de comprendre à quel point les conceptions des deux églises étaient éloignées, mais surtout, elle nous fait voir, de manière subtile, que les cathares ne comprenaient nullement la crucifixion du Christ au sens littéral imposé par l’Église romaine, mais comme une œuvre de purification intérieure, de mort aux désirs et aux appétits du monde, un renoncement à l’égocentrisme.
Les cathares considéraient que les souffrances du Christ sur le Golgotha étaient bien supérieures à celles qu’un corps humain pouvait endurer, car « il a souffert en esprit » et « il a eu les tortures de l’âme, l’agonie de Gethsémani. Mais il n’est pas mort : un Dieu ne peut pas mourir ».
C’est sans doute l’un des aspects les plus antagonistes des deux églises. Alors que l’Église romaine fonde la rédemption sur le fait historique qui s’est produit une seule fois au Golgotha, pour les cathares, la mort du Christ est avant tout un événement symbolique qui doit se produire quotidiennement chez le candidat. Tout homme qui aspire au salut doit mourir au monde, à ses vanités et à ses désirs. Car ce n’est que par la mort des liens terrestres que la « résurrection » est possible, non pas la résurrection, bien sûr, du Christ historique, mais du Christ intérieur, du Dieu personnel.
À propos de la réincarnation
Les cathares, en revanche, croyaient en la réincarnation, comme le montre clairement la déposition de Sibylle Péire devant l’Inquisition où, se référant aux clercs romains, elle déclare :
« Qu’ils étaient aveugles et sourds, puisqu’ils ne voyaient ni n’entendaient la voix de Dieu pour le moment. Mais à la fin, bien qu’avec difficulté, ils parviendraient à la compréhension et à la connaissance de leur Église, dans d’autres corps dans lesquels ils reconnaîtraient la vérité[i]. »
L’expression « dans d’autres corps » fait clairement allusion à la nécessité de nombreuses réincarnations avant de pouvoir trouver la véritable compréhension. Ainsi, le message des cathares, bien qu’il puisse sembler à première vue sans joie, était un message plein d’espoir. Il rejetait en bloc les châtiments d’un enfer éternel inventé par l’Église de Rome, et prônait le salut de tous les hommes, après un inévitable processus de pèlerinage et de purification de l’âme, effectué dans divers corps matériels.
Après ce qui a été exposé, on comprend bien l’animosité de l’Église de Rome envers l’Église de l’Amour, du Saint-Esprit, l’Église cathare.
L’église qui fuit et pardonne et l’église qui possède et tue
Dans l’un des nombreux témoignages relatés devant les inquisiteurs, l’un des témoins cite les paroles qu’il se rappelle de la prédication de Pierre et Jacques Authié, deux des derniers cathares occitans. Dans le document, nous lisons les propos du « bonhomme » :
« Il y a deux églises : l’une fuit et pardonne. L’autre possède et tue. Celle qui fuit et pardonne est celle qui suit le droit chemin des apôtres : elle ne ment ni ne trompe. Et cette église qui possède et tue est l’Église romaine.
L’hérétique me demanda alors laquelle de ces deux églises je considérais comme la meilleure. J’ai répondu que c’était mal de posséder et de tuer. Puis l’hérétique a dit : « Nous sommes ceux qui suivent la voie de la vérité, qui fuient et qui pardonnent ». Je répondis : « Si vous portez vraiment la voie de la vérité des apôtres, pourquoi ne prêchez-vous pas, comme les prêtres, dans les églises ? »
Et l’hérétique répondit à cela : « Si nous faisions cela, l’Église romaine, qui nous déteste, nous brûlerait aussitôt. »
Je lui dis alors : « Mais pourquoi l’Église romaine vous déteste-t-elle tant ? »
Et l’hérétique de répondre : « Car si nous pouvions aller prêcher librement, ladite Église romaine ne serait plus appréciée ; en effet, les gens préféreraient choisir notre foi et non la leur, parce que nous ne disons et ne prêchons que la vérité, alors que l’Église romaine raconte de grands mensonges. »
Nous avons essayé de mettre en évidence les aspects les plus significatifs de la religion cathare, la religion du Paraclet, la religion de l’Amour.
[i] Déposition de Sibylle Péire, citation de Les femmes cathares de Anne Brenon, p. 388.