Qu’est-ce qui veut advenir ? Ce qui advient. Ce qui est.

Une personne qui entreprend le voyage vers le centre de son être fait l'expérience de trois temporalités différentes.

Qu’est-ce qui veut advenir ? Ce qui advient. Ce qui est.

 

Une personne qui entreprend le voyage vers le centre de son être traverse divers aspects du temps. Si elle regarde la vie en y réfléchissant, elle se demande : « Qu’est-ce qui veut advenir ? » Si elle la regarde avec son cœur, elle expérimente « Ce qui devient ». Et à travers son être intemporel, elle perçoit « Ce qui est ».

Qui n’aimerait pas se projeter dans l’avenir afin d’éviter les mauvaises surprises ? Les prévisions météorologiques annoncent des tempêtes. De nombreuses entreprises utilisent des méthodes statistiques pour estimer le succès de leurs offres dans le futur.

À chaque fois que nous nous posons la question : « Qu’est-ce qui veut advenir », nous nous déplaçons physiquement dans la 4ème dimension : le temps. Tout processus de devenir ou de développement est lié au temps.

Le temps possède différents aspects

L’économiste considère le temps comme quelque chose de quantitatif : comment puis-je structurer les processus de production de manière à produire toujours plus en moins de temps, et à le convertir en argent ? Il recherche aujourd’hui les processus de production et de vente optimaux de demain, afin de gagner toujours plus en toujours moins de temps. Les marchés boursiers le récompensent par la hausse du prix des actions concernées. Le temps est ici une variable purement quantitative qui permet à notre société d’abondance de mesurer son succès et de déterminer la rapidité et la durabilité de la croissance économique dans un contexte de concurrence.

Un pilier important de ce succès est la grande disponibilité des connaissances. Nous sommes entrés dans l’ère de l’information. Et le canal d’information le plus performant est la fibre optique, dans laquelle la lumière est utilisée pour transmettre des informations. La lumière est l’élément le plus rapide de l’univers. Aujourd’hui, la connaissance se répand à la vitesse de la lumière.

Nous comprimons le temps

Autrefois, les questions complexes qui devaient être résolues par des collaborateurs éloignés, étaient envoyées par courrier. Une fois la lettre remise à la poste, une phase d’attente ou de réflexion supplémentaire commençait, car la réponse pouvait être attendue pendant au moins une semaine, si elle était rapide. Aujourd’hui, si la question est envoyée via l’internet, elle parvient au destinataire en quelques secondes. En quelques minutes, l’expéditeur peut déjà recevoir une réponse. De cette façon, le nombre d’actions possibles dans un laps de temps augmente considérablement. Nous avons appris à comprimer le temps en augmentant la rapidité d’action.

Cette quantité d’informations et d’actions dans le temps est finalement un des fondements de notre société occidentale. Dans de nombreux domaines, elle vit selon le principe de « la quantité plutôt que la qualité ». La quantité crée une certaine superficialité dans l’expérience et une faim difficilement identifiable et insatiable. Cette faim pousse l’homme moderne à rechercher des expériences de consommation toujours plus intenses et plus exclusives. À l’intérieur de lui, les expériences disparaissent comme dans un grand trou noir, dans lequel tout sombre sans pour autant provoquer un sentiment de satiété.

Le trou noir

Toutes les structures temporelles – c’est-à-dire « Ce qui veut advenir », « Ce qui devient » et « Ce qui est » – sont déjà présentes en nous et peuvent être expérimentées. Selon le point sur lequel l’être humain concentre son attention, il fait l’expérience de l’une d’entre elles. Si nous considérons l’être humain comme une toupie, il se stabilise dans sa vie en tournant à grande vitesse. Comme dans la dynamique d’une toupie, sa vie possède une vitesse élevée à la périphérie, tandis qu’au centre, le temps s’arrête complètement.

Cette forme gyroscopique est plus facile à reconnaître dans l’univers. La Voie lactée est une nébuleuse en spirale, au sein de laquelle notre Terre se déplace, et dont la forme rappelle celle d’une toupie. Selon les découvertes scientifiques, son centre est constitué d’un trou noir. Les trous noirs sont de la matière hautement condensée et des sources d’énormes forces gravitationnelles. Ils donnent à l’espace une nouvelle structure, le courbent, et ralentissent le temps. En définitive, le trou noir donne à la galaxie sa forme et son mouvement. Il avale de grandes quantités de matière et les comprime dans le plus petit espace possible. En son centre exact, le temps s’arrête et devient du « non-temps », et l’espace est comprimé à tel point qu’il devient un « non-lieu ».

L’homme est un « microcosme », comme le dit la philosophie hermétique, symboliquement un univers entier en miniature et, d’un point de vue spirituel, l’homme pourrait, dans une certaine mesure, être comparé à une nébuleuse en spirale. Selon la dynamique d’une telle nébuleuse, lorsque l’homme s’éloigne du centre par l’effet de son attention superficielle, il expérimente que la vitesse de sa vie augmente. Beaucoup de gens aujourd’hui marchent sur cette orbite la plus extérieure, ce qui leur donne l’expérience de cette orbite par la combustion rapide de la vie telle que nous la vivons quotidiennement, toujours à la recherche fébrile de ce qui veut advenir. À un moment donné, les expériences et leur frénésie de vitesse sont devenues si condensées et comprimées que des forces destructrices agissent, qui rappellent les forces gravitationnelles d’un trou noir.

Les forces émanent du centre

À l’instar des forces gravitationnelles d’un trou noir dans l’univers, des forces émanent du centre de l’être humain et modifient l’expérience de l’espace et du temps. Ainsi, des mystiques tels que Jacob Boehme, Rumi ou Maître Eckhart ont fait l’expérience de dynamiques qui ont bouleversé leur monde.

Certains scientifiques pensent aujourd’hui que l’espace-temps se désagrège dans un trou noir. Cela signifierait également qu’il existe une structure physique plus profonde, avec des lois différentes, dans laquelle le trou noir plonge ses racines. Dans l’histoire intellectuelle de l’humanité, il y a aussi les idées de divers philosophes et instructeurs qui supposent que l’homme est enraciné dans une autre nature, dans son être le plus profond, dans son « trou noir ».

L’aspect qualitatif du temps

La concentration des expériences attire lentement la pleine conscience du bord extérieur de la nébuleuse en spirale vers le centre. Hermann Hesse laisse Siddharta, dans son récit indien du même nom, déterminer ce qui se passe alors. L’homme transforme le temps dans une profonde méditation. Son aspect qualitatif est mis en évidence. Le « Combien puis-je expérimenter ? » devient « Qu’est-ce que j’expérimente ? ». L’être humain est ainsi relié à la dimension de la profondeur. Dans les sociétés occidentales, de nombreuses personnes prennent actuellement conscience du manque de profondeur. En raison de la situation pandémique, la vitesse de l’expérience s’est ralentie. Dans le monde spirituel, un tel « frein à l’expérience » est créé par la méditation. L’homme ferme temporairement ses organes sensoriels au monde extérieur, se laisse attirer vers l’intérieur et prend conscience de sa profondeur.

La porte de la profondeur

Si l’on commence à réfléchir et à s’interroger sur sa vie, on peut alors faire l’expérience des différents états du temps. Le temps est synonyme d’unicité. Chaque instant passe et il est impossible d’y revenir. Chaque moment est unique et ne peut être saisi que lorsque la question « Qu’est-ce qui veut advenir ? » – le credo du temps quantitatif dynamique – se transforme en un « Ce qui devient », expression d’un temps qualitatif consciemment observé. Dans le seul « maintenant », une porte s’ouvre sur une compréhension totalement nouvelle de l’espace et du temps.

Le temps qualitatif contient une porte vers la dimension de la profondeur. De nombreux mystiques ont essayé de faire prendre conscience de cette dimension. Elle ouvre sur un espace qui n’est pas limité. Son centre est un « non-lieu », le « temps » y est un « non-temps ». Tout « ce qui veut advenir » s’y arrête et se transforme en « Ce qui devient » dans une contemplation silencieuse.

L’être omniprésent

« Ce qui devient » est lié à une présence totale dans l’instant absolu du maintenant. La vie se révèle d’instant en instant. Herman Hesse décrit encore un état qui se manifeste à la fin de son récit Siddharta. Dans la grande vision à laquelle Siddharta fait participer son ami Govinda, il y a un « Ce qui est » qui contient l’expérience que tout est déjà, que tout existe simultanément comme un aspect de l’unité. Govinda revient de cette expérience avec un cœur enflammé.

Les trous noirs ne sont pas sombres parce qu’ils ne contiennent pas de lumière, mais parce que rien de perceptible ne semble pouvoir s’en échapper. Et pourtant, ils rayonnent de l’énergie sous forme d’informations quantiques intriquées. Ces informations ne semblent pas être soumises aux lois de l’espace-temps, mais ont quelque chose d' »omniprésent ». Ces lois sont hautement abstraites et mathématiques. Mais il existe dans l’histoire de l’humanité des philosophes et des mystiques qui ont vécu des expériences qui leur correspondent. Herman Hesse en parle dans son livre Siddharta.

Lorsque la dimension dans laquelle une personne est « Bouddha » s’éveille, que la souffrance prend fin et que, du plus profond de son être, elle voit tout les yeux fermés, alors elle est entrée dans « Ce qui est ». Elle est comme une galaxie à partir du centre de laquelle les forces du « trou noir » rayonnent dans la « galaxie » entière un tout nouvel ordre.

 

Références :

Hermann Hesse, Siddharta, Livre de Poche, 1975.

Marianne Oesterreicher, Hans-Peter Dürr, Auch die Wissenschaft spricht nur in Gleichnissen [La science aussi ne parle qu’en paraboles], 2004.

https://www.quantamagazine.org/the-black-hole-information-paradox-comes-to-an-end-20201029/?s=08

 

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Date: novembre 2, 2020
Auteur: Heiko Haase (Germany)

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