En route

Nous observons un tableau de Rembrandt, peint aux Pays-Bas en 1627, à côté d'une peinture sur marbre provenant d'Extrême-Orient, légèrement plus ancienne d'après son iconographie. Tous deux peuvent être considérés comme représentant l'homme sur son chemin spirituel.

En route

 

Que voyons-nous ?

Le tableau de Rembrandt s’intitule « La fuite en Égypte ». Un âne porte une femme avec un bébé et est conduit par un homme aux pieds nus. Les vêtements de l’homme et sa peau ont les couleurs de la terre dans la lumière qui tombe sur le groupe de voyageurs. La lumière provient d’une source que nous ne pouvons qu’imaginer : une porte ouverte, une lampe ou un feu au bord de la route. Ou bien c’est la Lumière, qui accompagne ce groupe sur la droite.

Flight to Egypt

 

La lumière dessine leurs ombres sur le sable. Les ombres d’une plante épineuse et du groupe, associées à l’obscurité inégale bleu foncé, dégagent une certaine menace. La femme est vêtue de bleu vif. Son foulard et un bagage forment de petits contrastes avec les tons de la terre. L’homme porte un sac gris-bleu à la ceinture. L’homme et la femme forment ensemble un symbole yin-yang : un détail bleu dans un plan de tons terreux, un détail jaune brunâtre dans une mer de bleu clair.  À côté du grand point lumineux, il y a la petite lumière vive de l’aura autour de la tête de l’enfant.

Child on ox

 

La peinture sur marbre peut être considérée comme la sixième d’une série de dix images du bouddhisme zen, qui racontent comment apprivoiser et chevaucher le taureau – parfois aussi le bœuf ou le buffle. Traditionnellement, le numéro 6 s’intitule : la chevauchée du taureau sur le chemin du retour. Celui-ci illustre donc également une scène sur la route. Nous voyons un taureau avec un enfant sur son dos qui dirige un cerf-volant au bout d’une corde, haut dans les airs. Il y a une dynamique calme dans cette gravure. Le taureau porte l’humain qui garde un lien avec le ciel.

Quelle est l’histoire ?

Tradition occidentale : la fuite en Égypte a lieu après la naissance de l’enfant de Marie dans une étable. Joseph était là avec un bœuf et un âne. Joseph est averti en rêve, par un ange, de fuir avec l’enfant et sa mère en Égypte, en raison de la menace du roi Hérode.

La tradition orientale : un taureau doit être capturé et apprivoisé par son gardien, son berger. C’est ce qui se passe dans les premières images de la série de gravures bouddhistes. Plus tard dans la série, le taureau et le berger vont, l’un après l’autre, se dissoudre sans laisser de trace dans le grand cercle du Tout.

Que pouvons-nous penser en voyant ces images ?

Interprétons chaque œuvre d’art comme une représentation de l’homme à une étape particulière du chemin. Il y a une ou plusieurs figures humaines et il y a un animal qui marche sur la terre et porte un être humain.

Dans le cas de Rembrandt, il y a trois figures humaines. Il y a la femme Marie dans la couleur du ciel. Il y a l’homme Joseph dans les couleurs de la terre. Et il y a l’enfant Jésus. Nous voyons la femme, qui reçoit l’aspect de l’âme, et l’homme, qui agit. Joseph était auparavant endormi, non actif, lorsqu’il a été averti en rêve. Marie a reçu d’un ange l’annonce de la grossesse et de la naissance alors qu’elle était éveillée. L’enfant vient de l’Esprit Saint.

L’âne est l’animal dans l’homme, c’est-à-dire : le corps et la partie de l’âme qui est proche du corps. L’âne est conduit par l’homme, qui marche aussi sur la terre.

L’homme détermine la direction dans laquelle ils vont tous, en réponse positive à l’avertissement qu’il a reçu.

L’enfant, au-dessus du monde, est porté par la femme assise sur l’âne. L’enfant a une aura splendide. L’enfant n’est pas de ce monde. Il est complètement nouveau et relie le groupe à ce qui est en haut, au ciel.

L’âme est représentée dans son aspect de réceptivité, Marie, dans son aspect de manifestation, Joseph, et dans ce qui est complètement nouveau en elle et qui est encore porté par l’homme/femme et par l’âne. Le corps, l’homme qui agit, la femme qui se repose et porte l’enfant. Elle est la partie vierge de l’âme dans laquelle l’Esprit Saint a conçu l’enfant.

Dans la gravure orientale, une figure humaine – peut-être un enfant – est portée par le taureau. L’enfant fait voler un cerf-volant. Le cerf-volant et la corde font le lien avec le ciel. Dans la série d’estampes plus classiques, le gardien joue de la flûte, assis sur le dos du taureau. Les sons de sa flûte montent vers le ciel. Là aussi, le corps, l’âme et le lien avec ce qui est au-dessus.

Que pouvons-nous apprendre à faire à partir de ces images ?

Derrière la fuite en Égypte, il y a toute une histoire : celle des rois ou des magiciens, celle du roi Hérode qui veut tuer l’enfant, celle du messie nouveau-né qui menace le pouvoir, celle de l’ange avertisseur dans le rêve de Joseph et celle du voyage en Égypte. Le jeune nouveau-né dans nos cœurs est mis en sécurité par la force pure de l’âme de Marie et l’action volontaire de Joseph, qui conduit l’âne. Notre âme est invitée à protéger ce qui est nouveau en elle, en utilisant et en guidant le corps et sa propre partie plus instinctive.

Beaucoup de nouveau-nés vont mourir. Ils ne sont pas le Jésus absolument nouveau. Ils ont seulement en commun avec Jésus le moment et le lieu de leur naissance. Le lieu de la naissance est notre cœur. Ils, ces autres nouveau-nés, pourraient être toutes sortes de nouveaux sentiments, « d’idées du cœur » qui surgissent en nous au moment de la naissance de Jésus. Chacun de ces enfants représente un potentiel fantastique qui ne doit pas vivre, au nom de la préservation du pouvoir du vieux roi qui s’appelle « Moi ».

Le poème qui accompagne le sixième tableau de La domestication du taureau, dans sa version classique avec le joueur de flûte, se termine ainsi :

Je fais s’éteindre le rythme sans fin. Celui qui entend cette mélodie se joindra à moi.

En chevauchant le taureau, sur le chemin du retour.

 

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Date: octobre 15, 2021
Auteur: Eric Op 't Eynde (Belgium)
Photo: Ben Frieden on Pixabay

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