Ce que je fais dans le secret, moi, être minime et perdu dans la masse, je me figure que la masse n’en est pas affectée, que cela demeure entre moi et moi, que je l’ensevelirai, si je veux, dans le silence d’un passé aboli. Mais non ! Il n’y a pas de passé inerte. Le passé est une vie qui se poursuit dans le présent. Le passé est une lame dont le présent est la pointe, et la pointe actionnée par l’élan de ce qui fut pénètre en l’avenir pour y déterminer ce qui sera. Chaque être, à chaque instant, pose un acte qui le sauve ou qui le perd. Ainsi, chaque être, à chaque instant, pose un acte qui sauve ou qui perd son milieu, sa famille, son groupe professionnel, sa cité, la civilisation qui l’entoure, dans une mesure que nul ne peut préciser et qui inquiète d’autant mieux une conscience droite.
Si quelque chose est certain aujourd’hui, c’est l’universelle solidarité des faits et des êtres en tout domaine et sous tous les rapports.
R.P. Sertillanges, Voix Françaises, 24 janvier 1941.
Comment avons-nous fait pour en arriver là ?
7 étapes nous ont conduits jusqu’aux différentes crises que nous connaissons dans tous les domaines de la société :
- La passivité de la religion
La religion est un intermédiaire pour l’homme qui veut se relier à Dieu, à ce qui est plus grand que lui. Ce sentiment que cette force existe, est présent dans tous les peuples de la Terre. Pour s’en rapprocher, ils ont organisé des enseignements de différents prophètes et initiés (Jésus, Mahomet, Krishna…) sous forme de rites, de pratiques qui représentent la religion extérieure, la forme d’un sentiment profond qui existe dans l’homme depuis l’aube des temps : le sentiment d’un monde parfait dont l’homme s’est extrait et vers lequel il doit revenir en écoutant son cœur dans le labyrinthe de la vie, à travers toutes sortes d’expériences.
Mais voilà, la forme étant tellement plus facile d’accès que les religions en ont fait un « veau d’or » devant lequel elles se prosternent depuis toujours au lieu d’enseigner au néophyte à se préparer à recevoir la révélation divine dans son cœur et agir à partir de là.
Cette attitude a amené les croyants à une sorte de passivité qui a entraîné…
- Le besoin de reconnaissance et d’amour
Ce besoin est indispensable dans notre vie ! Notre valeur, notre confiance en soi et notre appartenance à un groupe en dépendent. Rechercher l’approbation des autres dans ce but est un sentiment qui vient combler un manque et de ce fait ne permet jamais de vivre en accord avec ses valeurs et surtout pas d’avoir la vie qui nous attend. Avec ce besoin, c’est une vie planifiée qui s’offre à nous et que nous regretterons un jour lorsqu’il sera trop tard. Et ce besoin entraîne…
- Le pouvoir
Le pouvoir est une grande responsabilité ! Dans la Bible, Jésus est très prudent vis-à-vis du pouvoir. Son pouvoir consistait à se mettre au service de tous… Nous sommes maintenant bien loin de cela pour en arriver aux turbulences que nous vivons aujourd’hui. Tout le monde se sert du pouvoir pour avoir un ascendant sur son prochain et pour arriver à ses fins avec toute sa volonté non renouvelée et ce que cela comporte. Car le pouvoir entraîne…
- La gratification financière
Pouvoir et argent sont intimement liés. Celui qui a l’argent a le pouvoir et inversement. Ces deux éléments mènent le monde aujourd’hui et chacun veut sa part du gâteau. Nous voyons clairement que cela entraîne…
- La crise
Qu’est-ce qu’une crise ? C’est un événement inattendu qui met en péril l’existence ou la réputation d’un gouvernement, d’une organisation, de ses salariés et de ses dirigeants. Elle est un facteur important de déstabilisation, de dérèglement de l’organisation existante. Elle est une remise en cause de l’organisation elle-même, de sa légitimité, de sa gestion, de son personnel et bien évidemment de ses dirigeants qui alors deviennent REELLEMENT responsables, puisque ce terme les caractérise depuis tant d’années.
Et la crise entraine…
- La nécessité d’un changement
Plus de la même chose, plus du même résultat ! On ne peut résoudre un problème avec la pensée, la structure, l’organisation qui l’a créé. La crise nécessite un changement radical et non des petites améliorations. Le changement demandé ici, c’est l’exemplarité ! Et cela entraînera…
- La guérison
La cause des maladies provient toujours du fait de vivre détourné de la Lumière. La maladie est donc, selon l’opinion de Paracelse, une forme de guérison. La crise est donc la guérison d’un monde malade. Rétablir l’ordre en nous-même remettra de l’ordre dans le monde.
La période de turbulence actuelle peut être riche d’enseignements. Elle incite à mieux définir notre projet de vie, à mieux nous connaître et à apprivoiser nos peurs.
Nul ne peut prévoir quand cette période prendra fin. Il se peut même que nous soyons entrés dans une ère d’incertitude qui marquera une rupture importante avec les années antérieures de par sa durée.
Quoiqu’il en soit, il importe de tirer profit de la conjoncture actuelle pour mieux saisir toute l’importance du rôle de chacun. Pour ce faire, il faut se concentrer sur trois axes importants :
- la nécessité d’une vision intégrée
- la connaissance de soi comme facteur déterminant de son efficacité
- l’apprivoisement de son insécurité intérieure pour mieux composer avec l’incertitude.
1. Une vision intégrée
Lorsque la turbulence prédomine, bien souvent la priorité est donnée à l’action en réaction à ce qui se passe à l’extérieur : rumeurs, situations appréhendées, faits… plutôt que de se concentrer sur l’image du but à atteindre.
Et pourtant ! C’est précisément cette image, ce projet, cette vision qui est une véritable bouée de sauvetage permettant de choisir, parmi les possibles scénarios, celui qui s’avérera le plus utile à la survie. C’est justement cette vision qui permet de distinguer dans le bruit ambiant les signaux porteurs d’avenir. Elle devient un élément incontournable de la durabilité de notre projet de vie et permet de garder le cap, de se rappeler les priorités et d’avancer malgré les embûches et le brouillard de l’incertitude.
Sans cette vision intégrée, on est comme un bateau à la dérive dans lequel chacun tente, tant bien que mal, de tirer le meilleur parti pour lui-même en se désintéressant de la survie de l’ensemble.
2. La connaissance de soi
Aussi surprenant que cela puisse paraître, gérer une crise est d’abord et avant tout un acte relationnel plutôt qu’un acte rationnel. Chacun doit être amené à mettre son intérêt individuel au service d’un intérêt collectif. Mais le principal outil de cette relation est l’individu lui-même.
C’est quand tout va mal que la confiance que nous inspire un individu devient le principal moteur de notre relation avec lui. Or, pour inspirer la confiance, il faut bien se connaître pour être plus à même de bien connaître les autres et savoir ce qui les inspire. Sans connaissance de soi, aucune adhésion à un projet n’est possible. Cette période de bouleversement peut nous apprendre beaucoup sur nous-même et sur nos réactions.
3. Apprivoiser son insécurité
Une des réalités importantes que l’on découvrira dans notre quête de nous-même en période de turbulence sera l’impact de l’incertitude sur sa propre sécurité intérieure. Or, si nous cherchons à apprivoiser cette insécurité plutôt qu’à l’étouffer, nous prendrons connaissance de la source d’énergie potentielle que recèle la maîtrise de cette insécurité.
Cet apprivoisement de son insécurité passe certes par une meilleure connaissance de soi mais surtout par une distance affective prise sur les événements en restant focalisé sur ce qui doit être objectivement fait.
En conclusion
La période de turbulence actuelle peut être riche d’enseignements si nous sommes soucieux d’améliorer notre discernement. Elle peut rappeler le caractère essentiel de la vision qui permet, au moment où des choix difficiles s’imposent, de poser l’acte juste. Elle peut également devenir un excellent laboratoire pour mettre en pratique la maxime du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras les Univers et les Dieux ». Elle peut finalement fournir l’occasion propice de faire cette importante distinction entre l’incertitude et l’insécurité.