La Grande Nostalgie
Les versets suivants de ce psaume apportent la réponse que l’homme a trouvé en lui-même : « mon secours vient du Seigneur, le créateur du ciel et de la terre ». Il se peut que nous ne soyons pas satisfaits de cette réponse. Comment un dieu de la religion traditionnelle peut-il soudainement nous aider ?
Pour répondre à cette question, nous devons avant tout réaliser que la Bible est en grande partie un recueil d’écrits inspirés contenant un message voilé sur le chemin mystique et mystérieux menant à l’union avec l’Absolu. Le fragment cité ci-dessus fait référence au moment où une personne cesse de chercher la libération en utilisant les méthodes de ce monde, mais commence à chercher, les yeux bandés, une connexion avec quelque chose de plus élevé qu’elle, qui ne vient pas d’ici – du champ magnétique de la Terre.
Carl Gustav Jung est l’auteur de l’anecdote suivante : un vieil alchimiste encourageait l’un de ses élèves en lui disant : « Peu importe à quel point tu te sens aliéné et seul, si tu fais ton travail avec beaucoup de diligence, des amis inconnus viendront te trouver ».
La véritable alchimie consiste à transformer les métaux vils de sa propre nature en l’or de l’Esprit. Les amis inconnus auxquels Jung fait allusion sont les membres de la hiérarchie divine qui supervise le développement spirituel de l’humanité. Elle est en ce monde la « main droite » du Seigneur qui a créé le ciel et la terre.
Lorsqu’une personne se réveille et commence à désirer un autre monde, lorsqu’elle commence à réaliser que sa maison est dans l’espace spirituel, lorsqu’elle devient une étrangère sur terre, cela signifie que l’atome du soleil spirituel s’est éveillé en elle. Une telle personne est touchée par ce que Mikhaïl Naimy, dans son ouvrage Le livre de Mirdad, décrit poétiquement comme étant la « Grande Nostalgie », le désir inassouvi d’un foyer spirituel qui conduit à une recherche intense. Et cette « Grande Nostalgie » est la deuxième condition qui doit être remplie pour se libérer. « Cherchez et continuez à chercher et vous trouverez ; frappez et continuez à frapper et la porte vous sera ouverte. » (Mt 7, 7)
Un homme qui aspire à Dieu commence, sans le savoir, à envoyer depuis son cœur un rayonnement infrarouge qui attire à lui la lumière de la gnose et l’aide de la Fraternité spirituelle. Il reçoit des signes qui le conduisent vers des sources et des lieux où il peut, en toute autonomie, réaliser le chemin qui le mène à la mort mystique de l’ego et au sentiment de véritable unité avec toute la création.
Je suis qui je suis
Dans le livre biblique de l’Exode (Ex 3), on trouve une parabole profondément symbolique de Moïse à qui Dieu a parlé en lui apparaissant sous la forme d’un buisson qui, bien qu’en feu, ne s’est pas consumé. Dans cette image du buisson, nous pouvons trouver une analogie avec la nouvelle âme humaine, enflammée par le principe divin de l’hydrogène – le feu qui lui donne l’immortalité. Cette parabole est, bien sûr, une référence voilée à la voie libératrice, mais ce n’est pas ce sur quoi nous voulons nous concentrer maintenant. Nous voulons nous concentrer un instant sur le nom sous lequel Dieu s’est présenté à Moïse : je suis qui je suis (ehiéh acher ehiéh).
Car dans ce nom, nous pouvons trouver l’axiome caché de Thot/Hermès Trismégiste : « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Dans le premier « je suis » nous trouvons la Conscience primordiale, l’Essence du Dieu-Père non révélé ; dans le mot « qui » nous trouvons le Verbe, le Logos, Maât – le Plan Divin à partir duquel le visible se déploiera ; dans le second « je suis » se trouve l’incarnation de ce Plan dans le monde révélé.
Pour qu’une personne puisse être transformée en un être conforme au plan originel de Dieu, elle doit devenir absolument silencieuse dans son cœur, son esprit et ses actions. Son âme deviendra alors un miroir reflétant le « je suis » de Dieu.
Lorsque nous commençons à ressentir cette conscience du « je suis », nous nous élevons au-dessus des perceptions duelles de la réalité. Cela commence par le fait que nous cessons de réagir émotionnellement aux manifestations de bien et de mal que nous percevons en nous. Cette neutralité vient du fait que nous ne nous identifions pas à notre nature inférieure. Nous transférons ce « je suis » intérieur au monde extérieur, et nous comprenons que tout « est », tout simplement. Nous cessons d’évaluer et de juger ce qui est extérieur, ce qui ne signifie pas, bien sûr, que nous devenons amoraux. Nous ne devenons pas amoraux mais silencieux, dépourvus de préférences, d’attentes, de préjugés et d’idées préconçues. Nous commençons à voir que tout ce qui existe sert à quelque chose ; c’est nécessaire. Le respect s’éveille alors en nous.
Un tel silence ne peut naître que de la « Voix du Silence » qui est émise par l’étincelle divine, l’atome céleste, la particule du Soleil Spirituel, présente dans notre cœur. C’est la semence à partir de laquelle peut se développer le vêtement d’une âme nouvelle capable d’épouser l’Esprit, capable de fusionner avec Osiris.
Le seul moyen d’y parvenir est le silence absolu de l’ego, la mort du vieux « moi », auquel font allusion les paroles de la Lettre de Paul aux Romains (12, 1- 2) : « je vous exhorte donc, frères et sœurs, en raison de la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu – c’est là votre véritable culte. Ne vous conformez pas au modèle de ce monde, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence. Alors vous pourrez éprouver et approuver ce qu’est la volonté de Dieu – sa volonté bonne, agréable et parfaite. »
Et aussi d’autres paroles qui suivent plus loin dans cette lettre : « ne cherchez pas la grandeur, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble » (Romains, 12, 16).
Une âme naturelle ne peut pas être amenée à la vraie grandeur. Elle doit donc « mourir » pour faire place à une autre âme, lumineuse, de haute vibration, tissée d’éthers qui ne sont pas de ce monde. Dans ce processus de renouvellement, trois temples dans l’homme sont progressivement sanctifiés : le sanctuaire de sa tête, de son cœur et, enfin, de ses mains. Après une telle transformation, l’âme humaine peut saisir la « main » de l’Esprit tendue vers elle. Elle devient un intermédiaire entre la terre et le ciel, prête à créer avec la substance sainte de la Divine Maât-rice.
Si tu es silencieux, alors tu es ce que Dieu était avant que la nature et la création ne soient faites, et de ce qu’Il a fait de toi en tant qu’être naturel. Alors tu entendras et verras avec ce que Dieu a vu et entendu en toi, avant qu’il y ait ta volonté, ta propre vue et audition. Donne ta volonté complètement à Dieu ! Ne fais pas ce que ta volonté te pousse à faire ! Soumets-toi à la croix de notre Seigneur Jésus-Christ. Si tu le fais, Dieu parlera en toi et dirigera ta volonté consacrée à Lui jusqu’aux profondeurs qui se situent au-delà des sens. Alors tu entendras ce que le Seigneur dit en toi.
Jacob Bœhme dans La vie au-delà des sens.