Crise : je décide ou Je suis ? [1]
Une crise, dit-on souvent, est une forme intensifiée de prise de conscience personnelle ou collective. Une crise est une période de « dés-égotiser », c’est-à-dire une forme « d’expropriation » du moi, c’est une définition connue. Cela nous rappelle le sens étymologique du mot. Le mot crise vient du grec krino qui signifie : « je décide » ou « on décide pour moi ». Eh bien, à première vue, le « Je » n’a pas grand-chose à décider en ces temps de confusion. Ou peut-être que oui : Y-a-t-il du travail supplémentaire pour le « je » en période de crise ?
Une crise exige beaucoup de chercheur sur les chemins de vérité. Essayez un peu de garder votre équilibre intérieur lorsque vous êtes terrassé par un virus ou lorsque votre travail ou votre entreprise ou celle de vos enfants sont dans une situation difficile.
Dans l’histoire récente, il y a eu déjà de nombreuses situations de crises qui par leur importance, peuvent être comparées à l’impasse dans lequel nous nous trouvons actuellement à cause du virus. Je pense à la crise climatique, à la crise financière ou à la grippe espagnole. Souvent les effets positifs de ces crises n’ont pas eu lieu parce que le « Je » a généralement réussi à se maintenir de sorte que la situation est par définition restée corrompue. Involontairement, un vers de mirliton très ancien me vient à l’esprit :
ils ont bu un verre, ont pissé et tout est resté inchangé.
Aussi difficile soit-elle : une crise, selon le philosophe bulgare Peter Deunov (1864 – 1944), confronte l’homme spirituellement à un tournant dans le temps. Oui, elle ouvre la porte sur une ère nouvelle. Jusqu’à présent, l’âme humaine n’était pas beaucoup plus développée qu’un « bouton », en raison de la domination de ce « Je ». Mais dans l’ère nouvelle, ce bourgeon s’ouvre, de sorte que le « je » doit faire place. C’est ce qu’il appelle
l’éclosion de l’âme humaine,
l’un des plus grands évènements dans l’univers du Tout.
Deunov [2] nous a rappelé l’origine du mot JE. Il a tiré sa connaissance de son étude sur les Goths de l’Est qui vivaient sur ce qui est aujourd’hui le territoire bulgare. Leur illustre évêque Wulfila (311 – 383) a fourni la première traduction de la Bible provenant du grec ancien en Gothique. Cette Bible Gothique est le seul document originel gardé intact témoignant de l’origine des langues germaniques en Europe. Dans sa traduction, Wulfila a inventé le mot Gothique « je » à partir des deux premières lettres IK du mot Iesu Krist (Jésus Christ). De là naquit plus tard le mot allemand « ich », l’anglais « I » et le Hollandais « ik ». Ce n’est peut-être pas une coïncidence si le « I » en anglais et en danois soit toujours écrit en majuscule.
Celui qui laisse en soi cette force christique s’exprimer et décider, prend des mesures très différentes de celles de celui qui laisse son égo auto conservateur s’exprimer en soi. Cette personne n’offre aucune résistance lorsque son intérêt personnel est menacé mais rayonne en toutes circonstances la force d’amour qui unifie. Dans ce monde en détresse, Jésus Christ n’apporte pas le chemin du « je-décide » mais le pouvoir du « je-suis ». C’est une force qui n’est absolument pas de ce monde et qui jette un pont entre « l’homme du – je – décide » et l’Homme-Dieu transcendant tout et tous, le Christ. Elle est énoncée septuplement de façon unique dans l’évangile de Jean :
Je suis le pain de vie (6 : 35)
Je suis la lumière du monde (8 : 12)
Je suis la porte des brebis (10 : 7)
Je suis le bon berger (10 : 11)
Je suis la résurrection et la vie (11 : 25)
Je suis le chemin, la vérité et la vie (14 : 6)
Je suis le vrai cep (15 : 1)
[1] Publié en Hollandais dans l’édition imprimée néerlandaises LOGON, année 2 no. 4 (Haarlem2021)
[2] Peter Dunoff, The Migration of the Teutonic Tribes and their Conversion to Christianity (en Anglais et en Bulgare) St. Kliment Ohridski University Press (Sofia 2007).